Adèle Exarchopoulos fut la révélation de 2013 quand on la découvre au côté de Léa Seydoux dans La vie d’Adèle. Le film lui vaudra 19 prix dont le César du Meilleur espoir féminin et surtout la Palme d’or qu’elle reçoit – fait exceptionnel – au même titre que son réalisateur Abdellatif Kechiche, et avec Léa Seydoux… Tout cela à 20 ans à peine. Avant cette remarquable consécration, il y aura eu les cours de théâtre pris dès 8 ans, les débuts à la télévision dans “R.I.S Police scientifique” et tout un tas de petits rôles, notamment dans “Boxes” de Jane Birkin, “Tête de Turc” de Pascal Elbé ou encore “Chez Gino” de Samuel Benchetrit. Désormais les premiers rôles s’enchaînent. Le dernier en date est celui qu’elle tient au côté de Matthias Schoenaerts dans “Le Fidèle” du réalisateur belge Michael R. Roskam. Elle y interprète Bibi, une jeune femme à la vie bourgeoise, férue de course automobile dont la vie va bientôt être dévorée par l’amour fou qu’elle porte à un malfrat.

Après La Vie d’Adèle et Éperdument, c’est la troisième fois que vous interprétez un amour absolu. Est-ce votre choix ou la façon dont les réalisateurs vous regardent ?
Sans doute un peu des deux. Je pense que comme dans la vie j’ai besoin des autres, j’ai besoin d’amour et à chaque fois j’ai trouvé des bonnes raisons de faire ces films. Mais c’est aussi la rencontre avec un sujet. Pour ma part je suis un peu pessimiste quant à l’amour éternel. Ces rôles sont peut-être une manière de me désillusionner!

Dans une interview, et à propos de la naissance de votre bébé, vous avez dit aimer profondément votre mec, aussi pour ses défauts… Une phrase qu’aurait pu dire Gigi dans le film.
On a cette chose en commun d’être complètement dans le sacrifice, dans la dévotion, mais sans se sentir soumise… D’ailleurs se soumettre peut être une forme de domination à partir du moment où on le choisit.

Comment avez-vous construit ce personnage de Gigi ?
Comprendre la problématique de la scène à jouer est facile. On joue la situation en fonction de l’instant, et des directives que l’on t’a données. Mais ce qu’il y a de plus important ce sont les entre scènes: là où l’on nourrit le personnage, là où l’on en imagine son passé. Pour le circuit de course, la discipline, l’adrénaline, j’avais Michael R. Roskam. Comment elle se sent quand elle rentre dans sa voiture, quand elle en sort, pourquoi elle aime Gino… Autant de questions auxquelles tu te dois de répondre avant. Il faut aussi assumer le fait de ne pas savoir! Et de se dire que comme dans la vie, nous ne sommes pas bercés de certitudes, sinon on ne ferait rien.

Quid à l’avenir des scènes de nus, vous qui en avez tournez souvent dans les films et en l’occurrence dans Le Fidèle ?
Quand c’est la première fois, tu dévoiles quelque chose. Quand c’est la deuxième fois, on devra te convaincre qu’il sera possible de revisiter cette première fois et on devra te convaincre de la nécessité de la faire. Je trouve ça plus compliqué de me le redemander et plus compliqué pour moi de le ré accepter parce que forcément j’ai peur de lasser les gens, j’ai peur moi-même de me lasser et j’ai peur de lasser mon personnage. À chaque fois je trouve des excuses et pourtant ce n’est pas quelque chose que j’aime. Ce sont des scènes que je n’aime pas regarder. Je ferme les yeux plutôt que de les regarder et je me dis que je n’aurais pas dû. Je ne mettrai jamais de veto, car je ne veux pas être bêtement radicale, mais mon désir est d’en faire de moins en moins. En la matière, être devenue maman a aussi changé quelque chose.

Les scènes de nus sont elles difficiles à faire, et plus difficiles que d’autres ?
C’est toujours difficile. Je suis très complexée et jamais, devant quelqu’un que j’aime, je vais me mettre ainsi en pleine lumière, nue. Je suis bien sûr mal à l’aise de me voir sur un écran de cinéma, parce que c’est moi dans tous mes complexes et dans toutes mes imperfections et c’est mon regard sur ces complexes et ces imperfections… Sauf que si j’arrive sur un plateau avec mes complexes à moi, je ne tourne plus! Je me dis que ma pudeur est ailleurs. J’essaye de prendre le nu comme un déguisement. Mais au final, les scènes de cul, il ne faut pas réfléchir sinon t’es mort !

La Vie d’Adèle vous a médiatisé et des rôles à l’international se sont offerts à vous. Vous avez tourné avec Sean Penn et dernièrement sous la direction de Ralf Fiennes pour un biopic sur Rudolf Noureev. Est-ce qu’Hollywood vous attire ?
Oui, bien sûr, mais ce n’est pas un but. Un premier rôle, demain, en anglais… je ne m’en sens pas capable. La Vie d’Adèle m’a mise en avant très vite et peut-être trop vite. Il me faut encore du temps pour apprendre, pour me nourrir, mais jamais je ne vais dire non à un projet qui me passionne, qu’il soit flamand ou qu’il soit à Hollywood. Je suis tellement arrivée par hasard dans ce travail, qu’au final je me dis qu’il est préférable de ne rien imaginer, car c’est cela qui m’a porté chance. Et puis dès que tu te fixes des objectifs, tu as une manière d’agir qui devient différente.

Jusqu’à présent on vous a vu dans des rôles plutôt charnels et intenses, aimeriez-vous aller vers tout autre chose, vers plus de composition ?
La comédie, c’est mon rêve. Je regarde peu les comédies françaises hormis celles d’Éric Nakache et Olivier Tolédano ou de Gustave Kervern. Mais l’humour dans les comédies françaises n’est pas si varié que ça… l’absurde, le burlesque sont en train de disparaître.

Pour tout ce que l’on vous propose, êtes-vous difficile dans vos choix ?
En raison de ma grossesse, j’ai dû refuser beaucoup de choses. Je ne suis pas très difficile parce qu’il m’est très difficile de dire non. Je n’aime pas avoir cet ascendant professionnel, même si je sais qu’une carrière se construit aussi avec des non. Et pour avoir passé tant de casting, je sais ce désir d’avoir envie de faire partie d’un projet. D’un autre côté, je préfère laisser la place à quelqu’un qui a vraiment envie, plutôt que de menacer un projet parce que j’y serais allée à contrecœur.

Avez-vous peur que tout s’arrête ?
Oui, évidemment. Ce serait mentir que de dire le contraire. Ce serait vachement de déception et un peu de souffrance, mais je ferai autre chose, j’improviserai, j’aurai un plan B. Pour l’instant je prends ce que la vie me donne, après on verra !

Source : 7sur7.be